le travail, le silence et la terre (Roubaix, 2018-19)
Véritable nécropole comptant plus de 500 chapelles dont certaines abritent les grands noms de l'industrie roubaisienne tels que Mazure-Wattine, Motte-Screpel, Mulliez-Leclercq, Cavrois-Mahieu... le cimetière de Roubaix possède une dimension patrimoniale certaine. Il nous raconte un peu cette époque où le textile était roi, sans pour autant nous dire ce qu'elle a réellement été, les plus aisés étant mieux représentés. Mais ce lieu nous raconte également ce que Roubaix est aujourd'hui : une ville fracturée, bigarrée et multi-confessionnelle où grande richesse et grande pauvreté poursuivent leur longue cohabitation.
Ici, le travail ne manque pas. L'espérance de vie dans la région est la plus basse en France métropolitaine. Agents techniques polyvalents, c'est comme ça qu'on nomme aujourd'hui gardes et fossoyeurs : accueillir le public au quotidien, surveiller les allées et l'état des monuments, dissuader les voleurs font partie de leurs missions mais le gros du travail se fait dans les coulisses. La conservatrice du cimetière, le sait bien : « Ce que les gens ignorent, c'est qu'un cimetière, c'est avant tout la gestion de l'espace ». Celui de Roubaix fait 17 hectares, c'est peu par rapport au 45 hectares du Père Lachaise et moins que celui de la commune voisine, Tourcoing, qui en compte 21. Pourtant avec environ 250 inhumations par an, le même nombre de crémations, et déjà plus de 30 000 concessions, il est nécessaire de faire de la place pour les nouveaux arrivants, de prioriser certains travaux sur le cahier des charges et de communiquer avec des usagers pas toujours au fait du fonctionnement des lieux et des difficultés d'un travail où le silence fait loi.